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the Khmer Soul

Khmer 7ème Art
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Le mal cambodgien
Note: Khmer verson will soon available - Partners genocide, document film in Khmer - French

Extrait du livre "LE MAL CAMBODGIEN", de Jean-François BARÉ
[ Chapitre V ; p103 – 122 ]


Les signes avant-coureurs du changement

En 1955, Sihanouk a en main tous les atouts pour réussir le développement de son pays : adhésion populaire, espoir de l’élite prête à coopérer, rassemblement politique autour de sa personne, promesse d’aides étrangères multiformes. 12 ans après, seul l’enthousiasme des ruraux a survécu. En 1967, le chef d’État ne maîtrise plus la situation intérieure. L’élite s’inquiète. Les dernières années du pouvoir sangkumien sont jalonnées des signaux d’alarme qui laissent prévoir des difficultés certaines.

Les événements relatés ci-après sont particulièrement important pour l’avenir du Cambodge. C’est en effet à Paris que les futurs dirigeants khmers rouges se font connaître les étrangers et qu’ils créent une structure rassemblant la majorité des intellectuels cambodgiens de gauche dont le soutien s’avérera décisif pour leur victoire.

La politisation de la jeunesse khmère

La contestation ne pouvait venir que de la ville et des intellectuels issus de la campagne. La masse paysanne, inerte, pour des raisons à la fois historique et sociologique, reste fidèle à la royauté divine ou à celui qui la présente, quels que soient ses actes.

Des idées nationalistes germent dans la tête des jeunes diplômés. On se rappelle que les premières réactions sont venues des élèves du lycée Sisowath rébellion contre les Français en 1936, puis, au début des années 40, des laïcs et des religieux. Alors qu’ils créent le Parti démocrate, leurs camarades plus jeunes, sortis des lycées de Phnom Penh, de Saigon et de Hanoi, font en France l’expérience de la démocratie. Boursiers du gouvernement khmer pour la plupart, ils réagissent différemment à l’environnement politique : certains demeurent à l’écart de toute agitation, d’autre militent et parmi eux, de futurs chefs khmers rouges.

En France, les Khmers fondent la première association d’étudiants à l’étranger.

La création de l’Association des Étudiants Khmers (AEK)


En 1946, l’AEK voit le jour à Paris. C’est l’époque de l’Union française dont fait partie le Cambodge. Au début, cette association régie par la loi de 1901 groupe des jeunes gens et des jeunes filles de tous milieux et de tous bords dont le but essentiel est de s’instruire. Elle n’a alors aucune coloration politique déclarée et se contente de revendiquer l’indépendance du pays, « ce qui agaçait les Français » dira un ancien membre ; à sa tête : Ea Si Chov, président, considéré comme un nationaliste pur, Yem Sarong, secrétaire général, démocrate modéré. Ea Si Chov se maintiendra à la présidence jusqu’à fin de 1950, il rentrera peu après au Cambodge. Le siège se trouve au pavillon de l’Indochine à la Cité universitaire de Paris mais l’association ne sera jamais présentée au comité directeur de ce pavillon. L’AEK publie deux fois l’an un bulletin Khemara Nisset (l’Étudiant khmer), qui ouvre les activités de l’association, contiennent des articles sur l’économie, l’histoire, l’art du Cambodge et quelques nouvelles de l’étranger. A peu près rien sur la politique, du moins jusqu’à la fin de 1950. A ses tous débuts, le groupe ne semble pas politisé mais l’esprit nationaliste y règne.

Si aucun problème majeur ne souvient pendant les trois premières années, en 1950, des dissensions apparaissent, provoquées par les communistes dont Ieng Sary, fraîchement arrivé en France, prend la tête. A l’assemblée générale de fin d’année universitaire 1949-1950 qui se tient le 1 er novembre 1950, Ea Si Chov évoque ses troubles récents et « invite les membres à prendre conscience de l’unité de la communauté qu’ils forment en France et à maintenir cette conduite qu’ils ont toujours adoptée dans leurs rapports avec leurs camarades : opposer la tolérance à l’intolérance, la compréhension à l’incompréhension » ; ce même jour « il a demandé à tous de redoubler d’efforts pour que l’année qui vient soit, par les brillants résultats qu’elle aura portés, le témoignage de notre volonté de ne pas démériter des sacrifices multiples que nos compatriotes et notre gouvernement ont consenti et consentent encore pour nous ! ».

Ainsi, la fin de 1950 marque le début d’une scission politique parmi les étudiants. L’unité n’a pas survécu à l’arrivée d’éléments gauchisants. Dès 1950, ceux-ci créent une cellule marxiste ; Ieng Sary et Saloth Sar abandonnent alors des études dans lesquelles apparemment ils ne brillaient pas et se consacrent à la politique, Hou Youn et quelques autres, tout en continuant à s’instruire, adhèrent à la cellule. Mais ne sont pas arrivés en France complètement politiques. Saloth Sar a lu Le Manifeste de Karl Marx, Ieng Sary connaît bien la doctrine communiste ; après trois mois de séjour en France, il réussit à semer la discorde au sein de l’AEK.

Le 1 er novembre 195, l’association élit son second président, Vann Molyvann. Étudiant à l’école des Beaux-Arts, il deviendra un architecte de talent. Les étudiants d’alors décrivent Vann Molyvann comme un élément « modéré et tolérant ». Il ne se maintiendra pas un an à cette charge de président. En août 1951, une importante délégation dirigée par Ieng Sary et Saloth Sar se rend au festival de la jeunesse à Berlin-Est pour y représenter l’AEK : «  Ils en ont rapporté les premiers documents sur les Issarak, sur Son Ngoc Minh, que leur ont donnés les Vietnamiens. Car le mouvement Issarak était sous obédience vietnamienne. Cette lutte armée nous a stimulés car nous ne pensions pas obtenir l’indépendance par des négociations ». C’est alors que les communistes décident d’agir.

L’automne 1951, « la cellule marxiste a décidé de prendre la direction de l’AEK. C’est ainsi que l’on a nommé Hou Youn président ». Hou Youn « élu », l’association affiche une coloration politique. « Des membres de l’AEK vendaient L’Humanité (...). Certains ont fréquenté les universités populaires du PCF » Au début des années 50, les membres de l’AEK considéraient le roi Sihanouk, président d’honneur de l’association, comme un vassal des Français. Ils prirent le prétexte d’un mini-scandale frivole dont il fut le centre à Paris pour lui demander, dans une lettre signée par son président, de renoncer à cette nomination honorifique. Le 23 mars 1961, le quotidien phnompenhois La Dépêche lance une diatribe contre le PCF :  « le Parti communiste français a parfaitement le droit de faire du prosélytisme. Mais exclusivement dans les milieux français et non parmi ceux qui sont leurs hôtes. Or l’entreprise de conversation de nos jeunes de France est à nos yeux une malhonnêteté, un abus de confiance et se rattache à certaine tradition missionnaire occidentale dont nous avons horreur. »

Avec l’arrivée et la progression des communistes, l’association se divisa. On distinguait :
1 - Les modérés : Vann Molyvann, Yem Sarong, Han Thun Hak, Tan Kim Huon.
2 - L’aile droite : Mau Say, Long Pet, Douc Rasy, Douc Phana, Sam Sary, Prum Tos…Ils créeront en 1950 l’Amicale des Cambodgiens de France (ACF) puis plus tard la Communauté khmère d’outre-mer (CKOM).

3 - L’aile gauche : Ieng Sary, Saloth Sar, Thioun Mumm, Khieu Samphan, Keng Vannsak, Sin Khem Ko, Hou Youn, Phung Ton… Ces deux derniers étaient considérés comme des sympathisants : « On les acceptait à contrecœur et on les critiquait tout le temps pour leurs tendances individualistes, leur amour des diplômes, des femmes, de l’abondance. On les a tolérés mais Ieng Sary, Saloth Sar et les autres leur reprochaient de vouloir passer leur doctorat en droit », dira Keng Vannsak. Les rapports de cette fraction gauchisante avec les communistes français semblent avoir été bon malgré une certaine méfiance de ces derniers vis-à-vis de leurs camarades khmers. Ils avaient en outre un point de désaccord : « Nous voulions le pouvoir et pensions qu’on ne pouvait y arriver qu’avec l’appui populaire, et c’est forcement violent. On était contre l’avis du PCF disant qu’on pouvait accéder au pouvoir par le suffrage universel. » « Au début, nous étions très staliniens (…) ; nous nous sommes tournés vers la Chine à la fin des années 50 car les Russes jouaient la carte de Sihanouk et nous négligeaient (…) Quand le monde a commencé de critiquer Staline, on est devenu maoïstes ». L’association conserva néanmoins des partisans prosoviétiques.

Très rapidement, les communistes deviennent prépondérants puisqu’ils détiennent les postes clés à l’association. Ils créent alors un autre bulletin, non officiel et manuscrit Reasmey (La Lumière). 5 ans après (80 numéros), il cesse de paraître quand Ieng Sary rentre au Cambodge, en 1957. Saloth Sar (Pol Pot) signe des articles du pseudonyme de Khmer Daoeum « Khmer originel », expression appliquée aux habitants du massif des Cardamomes vivant de l’essartage et de la cueillette.

Le mandat de Hou Youn prend fin le 9 février 1953 lorsque l’AEK est dissoute par la France, à la demande du roi khmer : d’une part l’AEK critiquait les membres de l’Amicale des Cambodgiens de France qui soutenaient Sihanouk ; d’autre part Hou Youn et ses amis avaient établi des liens avec l’Union internationale des étudiants sise à Bucarest. Ce dernier événement aurait fait perdre patience au roi.

Pendant 3 ans, les étudiants khmers marxistes n’ont disposé d’aucun organe officiel pour diffuser leurs idées ; la cellule a continué de fonctionner et, à la première occasion, le groupe se reconstitue.

La résurrection de l’association : l’Union des Étudiants Khmers (UEK)

 
L’UEK est créée officiellement le 26 novembre 1956, grâce à un ami français. Cette fois la tendance est plus uniforme car les éléments modérés ou de droite ont formé ou vont former leurs propres groupes (CKOM en particulier). L’UEK, en outre, se démarque de l’administration en prenant pour siège la maison d’un de ses membres habitant Sceaux. En attendant l’assemblée constituante qui se tient le 28 décembre 1956, un comité directeur provisoire nommé désigne Ieng Sary à la présidence avec, pour l’aider, Thioun Mumm, Khieu Samphan, In Sokan dont les opinions ne font aucun doute. Un mois plus tard se déroule l’élection d’un nouveau comité qui ressemble davantage à une nomination qu’à un vote. In Sokan, président, sera aidé pendant son mandat par des personnalités communistes bien connues tels Khieu Samphan et Dy Phon. Ieng Sary a eu un rôle officiel très court mais il a placé au comité directeur des fidèles, ce qui lui laisse le temps de faire de la politique à un plus haut niveau. Avec Khieu Thirith, licenciée ès lettres qui deviendra sa femme, il se fait connaître parmi les Khmers et les étrangers. L’UEK participe à tous les congrès de la jeunesse y compris celui d’Helsinki, et aux festivals estudiantins tenus en Europe de l’Est. En France, les contacts inter-étudiants sont surtout étroits avec l’UNEF. Les bulletins de l’UEK ne contiennent aucune information sur les autres communautés d’étudiants étrangers résidant à la Cité universitaire ni sur de possible relation avec elles.

L’association n’a donc pas caché son parti pris idéologique ; pour qui se donnait la peine de suivre ses activités à l’époque, la situation paraissait claire. Néanmoins elle n’a pas joué franc jeu vis-à-vis de Sihanouk qu’elle toujours soutenu en paroles alors que, dès 1953, la rupture était consommée. Il s’agissait d’une tactique car ce petit groupe de communistes ne pouvait rien faire sans de puissants appuis et seul le chef de l’État jouissait, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, d’une popularité exploitable. De plus, les rapports privilégiés que le Cambodge entretint avec la Chine dès la fin des années 50 malgré la présence américaine, les facilités accordées aux Nord-Vietnamiens et Vietcongs dans les années 60 étaient de nature à faire réfléchir le groupe bien décidé à utiliser le leader national pour les besoins de sa cause. Chaque numéro des bulletins de l’UEK (qui ont cessé de s’appeler Khemara Nisset) prônent l’« union nationale autour de la politique de paix, d’indépendance nationale et de neutralité dirigée par Sihanouk le chef d’État ».

A partir de 1957, les étudiants khmers arrivant en France et soucieux de militer avaient le choix entre une association « de droite » (CKOM) et une association de gauche. L’UEK connut un certain succès auprès de nouveaux venus, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la majorité de la jeunesse, au début de l’indépendance, soutint Sihanouk contre la position de certains démocrates qui ne croyaient pas à une véritable libéralisation du Cambodge ; le temps donna raison à ces derniers et les lycéens, les étudiants se rangèrent dans l’opposition. Non qu’ils aient approuvé un parti plutôt qu’un autre : « A notre arrivée, on avait une idée vague de la justice sociale, on ne comprenait pas grande chose à la politique. » « Les étudiants venant en France avaient un désir de justice et de progrès social. Ce sentiment flou est un début de prise de conscience qui atteint les trois quarts des étudiants. L’autre quart est le groupe des sihanoukiens, enfants de riches qui viennent pour s’amuser et qui font passer les études au second plan. Parmi ces trois quarts de gens conscients, environ un tiers adhérèrent à l’UEK ». Ces intellectuels progressistes n’envisageaient pas d’entrer dans l’autre association qui soutenait officiellement le chef de l’État et était reconnue par lui. Ils voyaient en l’UEK une structure de gauche en place qui ne demandait qu’à les accueillir ; la plupart ne sentirent pas au début la tendance communiste de l’association ; certains n’en percevront jamais le caractère extrémiste.

En suite, la présence de Khieu Samphan à l’UEK incita les étudiants à y entrer car ils le considéraient comme un nationaliste pur et honnête. Beaucoup l’admiraient : « J’y ai adhéré parce qu’il n’y avait pas d’autre association de gauche et que Khieu Samphan en avait fait partie. Et puis ils étaient sérieux, ils travaillaient plus que les autres. » Cette dernière remarque ne vaut évidemment pas pour Saloth Sar et Ieng Sary qui restèrent en dehors de l’UEK et que peu de jeunes connurent en France puisqu’ils rentrèrent au Cambodge respectivement en 1953 et 1957.

CKOM et UEK se disputaient les nouveaux arrivés. Ceux qui, peu nombreux, avaient des idées politiques affirmées choisissaient d’emblée et plus ou moins consciemment. Pour les hésitants, au début (avant que le gouvernement cambodgien n’intervienne en supprimant ou diminuant les bourses surtout à ceux affiliés à l’UEK), c’était les mieux organisés, les plus coopératifs qui emportaient leur adhésion. De ce point de vue, la CKOM ne pouvait concurrencer sa rivale qui, avec un sens poussé de l’organisation et une constance peu commune chez les Khmers, aidait les jeunes à résoudre les problèmes matériels, souvent avec bonheur.

Enfin, le programme politique affiché par l’UEK qui mettait l’accent sur la lutte anti-impérialiste, rassura les sans-opinion et les tièdes, flattés dans leur orgueil national et personnel à l’idée de leur petit pays s’élevant contre une superpuissance. En 1958, l’UEK vote un appel aux candidats aux élections de 1958 à maintenir l’union autour du chef de l’État et à éviter, au cours de la campagne électorale, tout incident permettant aux étrangers de s’immiscer dans les affaires du Cambodge.

Ces différents facteurs expliquent le succès des communistes au sein de la communauté estudiantine khmère. Il ne faut pas y voir un consensus politique mais un accord sur des vagues idées de progrès social et surtout contre ceux qu’une grande partie de la jeunesse considère comme les pires ennemis du Cambodge, les Américains n’avaient pas tellement bonne presse au Cambodge, et Sihanouk lui-même était anti-impérialiste. »

L’UEK entretenait du moins en apparence de bonnes relations avec les Vietnamiens. Un étudiant dira : « Au début des années 60, j’assistais aux activités de l’UEK sans être membre. Ce qui me chagrinait c’était l’attitude favorable de l’association envers les camarades vietnamiens. Si j’attaque le Vietminh, ils ne sont pas contents ; si dans les réunions je prononce le mot "yuon", on me reprend, il faut dire "camarade vietnamien" ou "ami vietnamien". Sans cela, j’aurais adhéré. »

Après le départ pour le Cambodge des grandes figures (Ieng Sary, Hou Youn, Saloth Sar, Khieu Samphan), l’UEK a connu divers présidents dont un des plus renommés à partir de 1959 et dans les années 60 fut Toch Kham Doeun, d’obédience soviétique comme ses aînés, qui se maintint pendant plusieurs législatures. Il jouissait d’un prestige certain parmi les étudiants. Dans les années 70, les Khmers rouges qui, vu ses sympathies affirmées, ne lui accordaient aucun crédit, l’élimineront. En 1969, Suong Sikoeung, prochinois qui fréquentait à Paris une cellule maoïste, prend la présidence jusqu’à la dilution de l’UEK dans le FUNC en 1971 ; on ne l’aime guère et on le dit opportuniste.

En province, c’est Montpellier qui accueille le plus d’étudiants khmers ; ils adhèrent pour la plupart à la branche montpelliéraine de l’UEK où milite Chau Seng. Khieu Samphan passe avec succès la licence en droit avant de monter à Paris faire une thèse ; l’antenne ne reste pas inactive puisqu’à l’assemblée générale de Paris, lecture est données de lettres de tous les membres de Montpellier et de Suisse affirmant leur solidarité avec le travail et les décisions de l’assemblée générale.

A l’étranger, l’URSS et la RDA ont reçu des boursiers khmers, une certaine pour la première, une soixantaine à Berlin-Est dans les années 60. Elles abritent les deux centres de l’UEK les plus actifs en Europe de l’Est, bien que les associations qui diffusent leurs idées s’intitulent différemment. A Berlin, elle prend le nom de Union de la Jeunesse khmère (UJK) et se présente comme une sorte de fourre-tout. Seulement une dizaine de personnes font de la politique. Fin 1966, l’UJK prend une tendance révolutionnaire lorsque arrive un fils de paysan qui militait à Phnom Penh dans une association de gauche, l’Association Générale des Étudiants Khmers (AGEK). Phnom Penh reconnaît l’UJK et ignore à peu près tout de ses activités. A Moscou, le groupe marxiste s’appelle l’Union des Étudiants cambodgiens. En septembre 1968, la revue Sangkum s’en prend violemment à ses membres dont il donne la liste des plus virulents : « (…) Alors on les voit jouer des pièces de théâtre qui attaque notre régime politique, chanter des clichés célébrant la supériorité de l’idéologie dont ils servent la cause, participer à des manifestations dont le caractère nettement engagé est évident (…), ils ont encore fait apparaître deux bulletins clandestins qu’ils ont fait distribuer en URSS, en France et même au Cambodge (…). Le courage n’étant pas leur fort, ils se gardent bien de signer de leur propre nom. »

Dans les années 50 et 60, l’UEK renforce son soutien à Sihanouk dans sa lutte anti-impérialiste. Le chauvinisme et la xénophobie vont bon train : « (…) Peu de Khmers connaissent leur histoire. Et nous répétons, il est regrettable que jusqu’à présent les pages les plus importantes de notre histoire aient été écrites par des étrangers. Sans être chauvins, nous pensons qu’il est dangereux pour notre pays de négliger la formation une équipe d’historiens dignes de ce nom. D’ailleurs les spécialistes de notre histoire se contentent dans la quasi-totalité des cas de faire une description la plus parfaite possible des monuments khmers et d’en étudier la chronologie en liaison avec la chronologie des rois khmers. » Et l’auteur d’ajouter sans aucun complexe : « La présente étude comporte trois parties :

1 - poser correctement le problème à résoudre ;
2 - raisons avancées jusqu’à présent pour expliquer ce phénomène ;
3 - nos hypothèses. Signé Thnot. »

Quand on connaît la qualité des historiens français incriminés et l’absence d’historiens khmers à l’époque, on comprend la nullité de l’article qui suit et l’on voit se dessiner l’orgueil insensé dont feront preuve ouvertement les dirigeants khmers rouges à partir de 1975.

L’UEK organise aussi chaque année un camp de vacance en Vendée avec une participation modeste des étudiants ; c’est un outil de propagande formidable.

En 1959, Phnom Penh nomme officiellement Chau Seng, homme de gauche connu, délégué permanent des étudiants khmers en Europe.

Au terme de cet examen, il convient de souligner que les grands responsables politiques du futur régime khmer rouge, Ieng Sary, Saloth Sar (Pol Pot) ne sont pas et ne furent jamais considérés par les étudiants de leur âge ou leurs cadets comme des personnalités pesantes. Ils ne prirent pas le temps de suivre les cours auxquels ils s’inscrivirent à Paris. Ce sont des hommes ayant lu abondamment Marx et Lénine (surtout Ieng Sary) mais sans beaucoup de culture et d’humanisme, que l’on retrouvera au pouvoir en 1975.

Les séparatistes de droite


Sur l’Amicale des Cambodgiens de France (ACF) et l’Association khmère (AK), l’on possède peu d’informations. L’ACF, créé début 1950, résulte de la réaction d’une partie des membres de l’AEK à la montée en puissance des adhérents communistes au sein de l’association. Plus précisément ils ils désapprouvaient la fréquentation, par ces éléments de gauche, des cellule de PCF. Au premier président, Mau Say, succédèrent Douc Rasy et Ly Chin Ly. Elle regroupait 30 à 40 adhérents et recevait des fonds de Phnom Penh. Si l’on en croit les anciens de l’AEK – UEK, elle a vivoté jusqu’en 1952 –1953. En fait, elle a vécu une dizaine d’années et elle devait gêner l’UEK puisque, aujourd’hui encore, des anciens de l’UEK dénigrent les partisans de l’ACF qui définissent ainsi leur action : « On souhaitait une évolution démocratique avec le prince Sihanouk. On ne voulait pas le trahir. On pensait à une monarchie du type anglais. » Voilà qui ressemble étrangement au programme du Parti démocrate ; pourtant, les membres de l’ACF n’avaient rien, selon leurs condisciples, de démocratique dans leur comportement. L’AFC soutenait le régime du Sangkum et ses adhérents détestaient ceux de l’UEK qui leur rendaient bien.

L’association a prononcé sa dissolution en janvier 1961 lorsqu’elle a décidé de se fonder avec l’AK pour former la CKOM.

L’AK, née au milieu des années 50, aurait compté plusieurs dizaines d’adhérents. Elle soutenait la politique du prince Sihanouk et plus précisément se situait dans la mouvance du général Nhiek Tioulong.

La première réunion se tient le 27 février 1955 ; le comité directeur a pour président Chau Xeng Ua ; parmi les autres adhérents : Dy Balen, Roger Kosal, Samair Phalcun, Srey Pong. L’association durera près de 6 ans.

La distinction entre l’ACF et l’AK n’apparaît pas nettement. Peut-être, la première a-t-elle une arrière-pensée républicaine alors que le général Tioulong restera un inconditionnel de Sihanouk. Sans doute le prince et ses proches trouvent-ils les différences si minimes qu’ils demandent aux deux associations de fusionner, ce qui va se produire. A moins que, comme l’affirme un ancien membre de l’ACF, le chef de l’État n’ait voulu encadrer cette association peu royaliste par des éléments fidèles à sa personne.

La Communauté Khmère d’Outre-Mer (CKOM)


La CKOM ? « Oui, j’en ai vaguement entendu parler mais je n’ai pas eu de contact avec ces gens-là. » Le prince restera aussi évasif sur l’ACGKAF, autre association créée, semble-t-il sur ses conseils, pour le soutenir.

Chea Thay Seng, archéologue, se maintiendra à la tête de la CKOM pendant ses 4 ans d’existence. En feront également partie, Long Pet, Uy Phatna, Phu Si Uy, Boramy Tioulong, Nouth Narang, et le seul futur psychiatre du Cambodge, Chamroeun Sam Eun, aujourd’hui disparu. Trois bulletins paraîtront, le dernier en avril 1964. Hormis des informations et articles politiques, leur contenu est sans doute le plus culturel de tous les bulletins «édités auparavant.

Les statuts stipulent que l’association a son siège dans le département de la Seine. Le bulletin N° 2 donne la 21 rue Franklin comme adresse de la rédaction, local de l’ambassade du Cambodge. Les bulletins d’adhésion, les cotisations doivent être envoyées à un responsable qui pourra changer de nom mais l’adresse demeurera le pavillon du Cambodge à la Cité universitaire de Paris. Nous verrons plus loin que des l’ouverture de ce pavillon en 1957, toutes les associations y exerceront de fait leurs activités.

La CKOM est financée par le régime du Sangkum et soutient la politique du prince Sihanouk. Lorsqu’au début des années 60, le rapprochement entre Phnom Penh et Pékin est visible, « Khieu Samphan disait qu’il soutenait la politique du prince. A la CKOM, on voyait cela d’un mauvais œil car, à l’époque, nous étions fiers d’être du côté du prince. Et voilà que tout d’un coup, les communistes en font autant ».

Le groupe se réunit rarement et son action consistera essentiellement à partir entre les nécessiteux l’argent fourni par le gouvernement. Un camp de vacance annuel a lieu au Lavandou.

Sans doute la CKOM aurait-elle continué son train-train si le prince Sihanouk, que les activités de l’UEK gênaient, n’avait eu l’idée de former une association unique pour essayer de fondre les diverses tendances politiques.

L’Association Générale des Cambodgiens de France (AGCF)


Elle est créée en 1965, après le passage de Sihanouk à Paris. En août 1967, l’un des organes de publication du prince, la revue Sangkum annonce : « l’AGCF, née sous l’initiative de Samdech chef de l’État du Cambodge lors de sa conférence donnée au pavillon du Cambodge en juin 1964, a pris forme le 8 juillet 1965 sous le sigle d’AGCAF. » L’idée vise à fondre UEK et CKOM en un mouvement unique. De son côté, l’UEK, dans un communiqué non daté, « accueille avec enthousiasme la proposition faite par Sihanouk le chef d’état lors de sa très brillante conférence au pavillon du Cambodge le 28 juin 1964 demandant à nos compatriotes de créer une association unique groupant démocratiquement l’ensemble de nos compatriotes en France ». Mais le moment venu, l’UEK ne fusionne pas. Seang Hac, centralien, prend la présidence de l’AGCAF.

Cette fois, les positions sont claires : pour obtenir une bourse, il faut adhérer à l’AGCAF. L’association traduit au sein des étudiants les mêmes exigences que le Sangkum Reastr Niyum vis- à-vis de la population du Cambodge. Beaucoup d’étudiants y adhèrent : « Adhérer à l’AGCAF c’est comme si on adhérait au Sangkum. On le faisait pour être tranquille. C’est une pression politique : pas de carte de l’AGCAF, pas de bourse. » Nombre de Khmers formulent cet avis. En revanche, le directeur du pavillon du Cambodge, Sarin Chhak, homme intègre et avant tout soucieux du bien-être et des succès universitaires des jeunes, prône une large distribution des aides financières. Lui-même et Seang Hac sont considérés comme modérés. Autour d’eux se regroupent les éléments de même tendance qui forment ce qu’on appelle l’aile centriste de l’AGCAF ; dans l’aile droite on retrouve Long Pet assisté de Chhieng Kim Suor. Il n’y pas l’aile gauche : les progressistes contraints adhérer pour obtenir une bourse font partie de l’aile centriste, les communistes émargent à l’UEK. Mais il existe des arrangements tacites qui laisse entrevoir les alliances futures : « Dès 1966 – 1967, l’UEK soutient l’aile centriste de l’AGCAF ; Seang Hac avait l’appui de l’UEK pour son travail au comité du pavillon du Cambodge car les deux associations y étaient représentées. » Et, disent les centristes de l’AGCAF : « Amicalement, on s’entendait mieux avec les progressistes de l’UEK qu’avec l’aile droite de l’AGCAF ; ceux de l’UEK étaient sympathiques, ils nous disaient bonjour, on jouait au volley-ball avec eux. Au début, certains membres de l’AGCAF - centre ont même participé au camp annuel de vacances organisé par l’UEK. Cependant, notre désaccord avec l’UEK portait sur un point fondamental ; ses membres disaient qu’on ne pouvait corriger la société, qu’il fallait la détruire et en reconstruire une autre. Nous disions qu’il fallait changer certaines choses tout en restant dans le système. »

L’aile droite est rapidement divisée et Long Pet, mis hors jeu par Chhieng Kim Suor, moins radical.

En province, les supporters du Sangkum s’organisent essentiellement à Lyon. Les frères Ouk Thol dont l’un d’eux, André, sera en 1979 le faux prince Soryavong, s’activent. Le groupe forme l’Association des Étudiants Cambodgiens à Lyon (AECL) et, à l’instar des autres mouvements, organise un camp de vacances situé en Haut-Savoie. En 1969, la revue Sangkum publie plusieurs lettres de l’AECL soutenant la politique du prince Sihanouk. Ailleurs, des antennes de l’AGCAF existent, mais leurs activités restent faibles.

Dans les années 50, les divers groupements (droite et gauche) ont réussi à cohabiter au sein du même pavillon universitaire sans trop de problèmes. A partir de 1960, les rapports se détériorent : mises au point, échanges de propos venimeux. Les journaux khmers servent parfois d’intermédiaires pour diffuser certaines déclarations. Le quotidien phnompenhois La Vérité du 29 janvier 1962 rapporte une protestation de la CKOM qu’on devine dirigé contre l’UEK. Elle dénonce les auteurs khmers d’un « Communiqué commun sur la situation au Cambodge, au Laos, au Sud-Vietnam par un groupe d’étudiants et intellectuels cambodgiens, laotiens et vietnamiens en France » qui s’en prend à l’impérialisme américain en se faisant indûment le porte-parole de toute la communauté khmère de France ; ce texte montre que les étudiants communistes cambodgiens vivent en harmonie avec leurs homologues vietnamiens. Ces escarmouches pèsent peu auprès de la flambée de violence estudiantine de 1973 qui aura pour conséquence le fermeture du pavillon du Cambodge à la Cité universitaire.

La jeunesse phnompenhois et l’intervention de l’État

Le lycée Sisowath qui a toujours été le lieu des jeunes progressistes connaît une nouvelle mutinerie en 1949 lors de la signature du traité avec la France et de la dissolution du gouvernement démocrate par le roi. Selon un témoin, « Ieng Sary serait pour quelque chose dans cette grève, c’est pourquoi lui et quelques-uns de ses amis ont été envoyés en France ». Les professeurs de gauche enseignent surtout dans deux lycées privés ; néanmoins quelques-uns exercent dans les lycées d’état : « Au lycée Sisowat, quand j’étais en seconde, un professeur de cambodgien nous faisait des critiques littéraires de façon marxisante. Environ 10% des élèves réagissaient favorablement. » Ceux-ci essayaient de faire de la propagande dans les établissements : « Déjà dans les petites classes, je savais qui était Marx, des camarades des classes supérieures m’en avaient parlé. » Peu d’informations sur la province : « Le 10 décembre 1952, au lycée de Kompong Cham on a fait une grève dirigée contre les Français. J’étais en 6 ème, je me suis laissé entraîner par les internes de 3 ème (…). Toute la jeunesse admirait Son Ngoc Thanh ; on ne savait s’il était ou non communiste, on savait qu’il voulait l’indépendance du Cambodge et que, pour lui, la royauté c’était du passé. »

A Phnom Penh, les contestations vont mettre 20 ans avant de s’organiser en groupements politisés ; il y aura d’abord un seul de ces mouvements de jeunes opposés au régime : l’AGEK

L’Association Générale des Étudiants Khmers (AGEK)


Créée le 17 janvier 1965, elle rassemble des jeunes de diverses universités et écoles privées : l’Université populaire (technique), l’Institut de pédagogie, les lycées Kampucha Both (plus connu sous l’abréviation Kambu Both) et Chamroeun Vichea essentiellement.

Kambu Both a d’abord été une association démocrate. Elle doit son nom au pseudonyme que prenait le prince Youthevong lorsqu’il écrivait dans la presse locale. L’institution devint collège puis lycée privé ; y enseignaient des individus qui, faute de diplôme, n’étaient pas acceptés dans les lycées d’État : parmi les premiers Saloth Sar (1953), rejoint en 1957 par Ieng Sary puis plus tard par Khieu Samphan, Hou Youn, Thiounn Thioun… qui ont passé leurs examens universitaires avec succès. Les démocrates, fondateurs de cet établissement, ouvraient largement ses portes à tous les opposants, professeurs et élèves. Une partie de ceux-ci connaîtront le marxisme à travers les cours dispensés par les futurs leaders khmers rouges. « Les élèves venant de Stung Treng, de Takeo et du district de Koh Sotin en Kompong Cham étaient d’origine modestes, ils avaient dépassé l’âge pour entrer dans les établissements publics. D’autres étaient des fils de riches qui avaient raté leurs examens au lycée d’État ; ils avaient un vélo ou une moto. Les professeurs étaient communistes, presque tous fils de familles aisées et avaient pu faire des études. »

Mais les démocrates n’avaient pas prévu la coloration politique que prendrait le lycée dont peu à peu ils se désintéressèrent. L’endroit devint un fiel marxiste ; beaucoup d’élèves progressistes y passèrent une ou deux années, tous ont apprécié la douceur et le sens poétique du professeur Saloth Sar qui récitait du Verlaine par cœur. Le lycée - qui avait abrité les futurs « grand » du Kampuchea démocratique - ferma ses portes lorsque ceux-ci installèrent leur régime de terreur en avril 1975.

On sait peu de choses sur le seconde lycée privé, Chamroeun Vichea, sauf que les mêmes professeurs y enseignèrent un temps et y propagèrent les mêmes idées.

L’université populaire Sala Dek a fourni des recrues à l’AGEK : « Au début de l’année universitaire 1965-1966, je suis entré à Sala Dek. Un ami préparait un rendez-vous pour discuter entre étudiants et élèves. Comme on ne pouvait pas faire de réunion politique librement, il organisait des excursions qui duraient un ou deux jours et là on discutait. C’est alors que je me suis inscrit à l’AGEK. Au début, j’étais seulement chargé des problèmes techniques ; peu à peu je me suis politisé et ai eu un rôle important dans l’association, j’étais commissaire. Plus tard on s’est rendu compte qu’il y avait des politiciens derrière cette association mais à l’époque on ne le savait pas. En 1967, 1968 et 1969 les dirigeants de l’AGEK rejoindront les marquis communistes. » Certains en ont peut-être pris conscience tardivement mais la plupart des responsables n’étaient sans doute pas dupes. Tiv Ol, éliminé par les Khmers rouges dans les années 70, représentait l’Éducation nationale au comité central de l’association.

Le président, Phouk Chhay, en même temps commissaire général adjoint de la JSRK se maintint pendant les 3 courtes années que vécut l’association. A l’AGEK, « On se réunissait une fois par semaine. Il y eut une assemblée générale à laquelle participèrent plusieurs milliers de personnes venues des universités de Phnom Penh, de Takeo, de Kompot et beaucoup de Kompong Cham ».

Enfin, l’Institut pédagogique créé en 1958, le bastion de Son Sen, autre responsable khmer rouge, a fourni des recrues à l’AGEK. L’Institut était connu pour les tendances communistes de ses enseignants qui dispensèrent aux élèves une éducation orientée.

Au début, le chef de l’État favorisa les échanges avec Pékin où Phouk Chhay se rendit en août 1965, alors que tout allait bien entre les deux pays. A Phnom Penh, l’AGEK organisait des spectacles à la salle Chatomukh : « On faisait de la politique à travers l’art. Certains élèves de Hou Youn, trop jeunes pour être membres, venaient aux soirées artistiques. » Il semble que des intellectuels non communistes y assisté. L’association, bien structurée, avait su recruter des militants : plusieurs certaines en 1967 aux dires des anciens. Elle entretenait des relations étroites avec l’UEK à Paris. En 1967, le chef de l’État dissout l’association « pour ses activités subversives » rapportera la revue Kambuja du 15 novembre 1967 qui annonce son remplacement par l’Association des Étudiants cambodgiens (AEC), créée le 4 novembre 1967. Autre précision : « Samdech définit le rôle et la mission de l’AEC… » qui est donc une association contrôlée par le gouvernement.

La même année le chef de l’état se trouve en butte à un autre groupement dont il a autorisé la formation et le déborde, mettant en cause un pays étranger : la Chine.

L’Association d’Amitié khmero-chinoise (AAKC)


L’AAKC, date de septembre 1964, alors que les relations sino-cambodgiennes étaient très cordiales. Elle s’inscrivait dans la série d’associations Cambodge-Étranger (France, URSS, Inde, pays d’Europe de l’Est…). L’AAKC eut un seul président, Leng Ngeth, réélu à chaque renouvellement de bureau. Toutes les tendances étaient représentées au comité directeur dont celle de la gauche khmère avec Hu Nim que Hou Youn vint aider par la suite. Des responsables du Hu Nim se rendirent à Pékin en 1965, mais les débordements de la révolution culturelle à Phnom Penh à partir de 1967 et la position ouvertement maoïste que les marxistes khmers donnèrent à l’AAKC irritèrent Sihanouk. Le 1 er septembre 1967, le prince annonça la dissolution de l’association et fit arrêter quelques personnes dont Phouk Chhay, ancien président de l’AGEK dissoute, libéré par les putschistes de 1975. l’AAKC reprit vie dès le lendemain sous le nom de Comité national pour l’amitié khmero-chinoise, avec Penn Nouth pour président et à l’exclusion des responsables khmers rouges qui prient le marquis. (Cette année-là, toutes les associations d’amitiés avec les pays étrangers furent transformées en comités nationaux.)

Avec la dissolution de ces deux groupements, la jeunesse communiste et plus généralement celle de gauche se trouve muselée. Reste pour elle un moyen d’expression : la guérilla.

Seuls une partie des Cambodgiens instruits ont rejeté la politique de Sihanouk. Des enseignants groupés au sein de l’Association des professeurs khmers, lui restent fidèle, tout comme les étudiants en droit. Les uns et les autres lui adressent des motions de soutien. La bourgeoisie, les fonctionnaires et les militaires ne disent mot, profitant de leurs privilèges. Les paysans restent à l’écart de ces mouvements.

A Paris ou ailleurs dans le monde, des étudiants khmers, mécontents des entorses faites à la démocratie et à la liberté, commencent à s’agiter. Le refus de la pluralité des partis les a sans doute rendus agressifs. Être sangkumien ne signifiait rien. Des hommes de gauche se virent confier des postes ministériels, parce qu’ils adhéraient au Sangkum ou parce que le chef de l’état voulait se les attacher, mais pas pour la tendance politique qu’ils représentaient. Sihanouk espérait aussi qu’ils s’embourgeoiseraient dans ces postes : « Ma marotte consistait à utiliser le plus possible de jeunes turcs. Certains disent que j’étais machiavélique, non je voulais les amadouer en leur offrant du miel, des bonbons sous forme de portefeuille de sous-secrétaire d’État. »

En fait, l’intervention du chef de l’état au sein des associations constituait une sorte d’avertissement à la Chine et, sans l’habileté de Chou En-laï,, on s’acheminait vers une rupture des relations diplomatiques entre Pékin et Phnom Penh.

La montée de la droite au pouvoir et les erreurs du prince Sihanouk

Pendant ses activités politiques, Sihanouk a essayé de se concilier tous ceux qu’il ne pouvait écarter. En 1966, des communistes élus députés ont reçu des postes ministériels : Hou Youn, Khieu Samphan, Hu Nim. Mais ses derniers ne se sont pas laissés prendre à l’appât du miel, ils restèrent intègres, surtout les deux premiers ; ils abandonnèrent leurs fonctions en 1967 et 1968 pour ce réfugier dans les marquis lorsqu’ils se sentirent menacés dans leur vie par les hommes du prince et les éléments de droite en place au gouvernement.

Les élections de 1966


L’année 1966 marque un tournant dans la politique intérieure du Cambodge. Jusque-là, le Comité directeur du Sangkum choisissait les candidats parmi les sangkumiens. A la suite de critiques formulées par des observateurs étrangers, le chef de l’État supprima ce tri préalable qui revenait à une désignation pure et simple puisque le nombre de candidats ne dépassait pas celui des élus. Les élections ouvertes à tous, eurent lieu le 11 septembre. La plupart des hommes politiques cambodgiens n’avaient pas d’opinion définie et ce vaste fourre-tout que représentait le Sangkum arrangeait certainement nombre d’entre eux. Seuls une poignée de démocrates ennemis du pouvoir absolu (restés à l’écart), les communistes et quelques hommes de droite pro-américains avaient des idées affirmées. C’est au derniers que vont profiter les élections de 1966. Après le rejet de l’aide américaine en 1963, « ils commencèrent une action méthodique pour s’emparer du pouvoir (…) cette faction réussit rapidement à placer ses partisans les moins marqués aux postes importants de l’administration centrale et provinciale. En fait, les mesures de jeu étaient peu nombreux, remarquablement discrets et prudents. Lon Nol lui-même semble n’avoir été qu’un comparse comme tant d’autre… ». Sur les 82 députés choisis parmi 415 candidats, 27 seulement (sur 42 présentés) faisaient partie de la précédente législature ; une douzaine d’hommes puissants et des fonctionnaires ne dédaignant pas le commerce représentaient le monde des affaires. Ce fut, diront les témoins, une assemblée d’affairistes. Le gouvernement Lon Nol, dont la moitié des membres appartenaient à la droite pro-américaine reçut l’investiture le 22 octobre avec une confortable majorité : 73 voix (aucun bulletin contre, 1 nul et 4 abstentions). Deux jours plus tard, en même temps que paraissait le décret de nomination de ce gouvernement, Sihanouk annonçait la formation d’« un contre-gouvernement du Sangkum Reastr Niyum chargé de faire connaître les avis de l’opposition au gouvernement royal régulièrement investi par l’Assemblée nationale ». Cet organe, avec le chef de l’État pour principal animateur, publiait un bulletin quotidien et donnait à ceux qu’il mettait en cause un droit de réponse. C’était en fait l’un des multiples moyens que le prince créait chaque fois qu’il voulait exercer un contrôle ou une action sur un groupe. « Il y avait un gouvernement et un contre-gouvernement, toujours dans le cadre sihanoukisme, il y avait une presse gouvernementale et une presse anti-gouvernementale toujours patronnée par Sihanouk (…). C’est comme dans les pays communistes, vous avez, à côté des commandants de chaque unité, des commissaires politiques… » En fait, les choses différaient un peu et cet organisme permettait au prince de continuer à s’exprimer sur tout et à exercer un contrepoids face à l’action de ses adversaires. Le gouvernement étant de droite, le prince fit entrer au contre-gouvernement des hommes de gauche tels Phouk Chhay, So Nem, Tan Kim Huon, Chau Sau.

Le gouvernement Lon Nol dut démissionner fin avril 1967, à la suite des événements de Samlaut et de l’opposition de la gauche qui ne cessa de se manifester pendant ces quelques mois. Un gouvernement d’exception remplaça, présidé par Sihanouk auquel Phnom Penh succède le 29 janvier 1968 ; mais on ne constate pas pour autant d’amélioration de la situation intérieure. Il faudra à la droite plus de deux ans pour reprendre le pouvoir, « deux ans au cours desquels le prince Sihanouk, avec un manque surprenant de sens politique, abattra impitoyablement tout ce qui pouvait s’opposer à la droite réactionnaire. Or cette répression contre la gauche poussera vers Lon Nol la masse des hésitants qui attendaient encore une confirmation de la nouvelle orientation ». A l’époque, Sihanouk tentait un rapprochement avec les Etats-Unis qui avaient déjà décidé de se retirer militairement de l’Asie du Sud-Est.

 


En août 1969, le chef de l’état, conscient du marasme économique dans lequel le pays sombre, somme le général Lon Nol – qui était récusé – de former un « gouvernement de sauvetage » succédant au « gouvernement de la dernière chance ». La droite pro-américaine revient massivement et présente notamment un programme de dénationalisation. De ce moment, l’initiative des affaires politiques échappe au prince. Il demande alors à 4 ministres qui lui étaient fidèles de démissionner, afin de provoquer l’éclatement du gouvernement. La manœuvre échoue : le prince Sisowat Sirik Matak, premier vice-président du Conseil, accepte ces démissions et ne permet pas aux intéressés de les reprendre.

Le chef de l’État favorise donc le retour d’une droite qui lui était hostile. Celle-ci trouve appui au sein de la population, le prince ayant commis des fautes ou laissé s’instaurer des pratiques qui ont servi la propagande de ses adversaires.

Les révoltes paysannes

Samlaut, en Battembang, constitue la première alerte importante. Les paysans ne voyaient pas d’un bon œil le ramassage du paddy par la société nationale Sorapa créée à cet effet, pour empêcher le trafic de riz avec les Vietcongs. La confiscation de terrains au détriment de paysans de Samlaut met le feu aux poudres. Le gouvernement décide ouvrir une route que doit suivre la mise en valeur de terres : « Lon Nol avait été gouverneur de Battembang en 1955, c’était son ancien fiel. Il y avait là beaucoup de parcelles de terrain. Lon Nol, très axé sur les questions agricoles, voulait qu’on fasse la rizière, qu’on plante des oranges, du poivre (…). On accorda alors des concessions aux militaires qui songeaient surtout à faire des cultures de rapport tels les fruitiers, à exploiter le bois et les pierres précieuses. Personne ne se soucia de savoir si ces friches étaient disponibles ou non. Lorsque les paysans à qui elles appartenaient les réclamèrent, on rejeta leur demande car ils n’avaient pas de titre de propriété (…). In Tam, responsable de la sécurité, était au courant. » Il s’agissait d’une duperie : la propriété, instaurée au Cambodge, coexistait avec le système foncier traditionnel qui régissait encore une partie des terres ; la coutume voulait que le roi fût l’unique possesseur du sol, les paysans en avaient l’usufruit, à la condition de le cultiver ; mais la plupart n’avaient jamais possédé de titres de propriété.

Au départ, la rébellion a été uniquement l’œuvre des paysans, c’est ce qu’affirment les habitants de Samlaut en 1970. Ils ne mettent nullement en cause Sihanouk et lèvent bâtons et coupe-coupe contre les militaires qui ont pris leurs terres. Contrairement à l’affirmation d’un journaliste, la JSRK n’a aucune responsabilité dans la distribution des terres qu’elle défriche sur l’ordre des militaires. Le numéro d’Études cambodgiennes d’avril –juin 1967 rapporte que les Forces armées royales khmères (FARK) ont été chargées de « contenir la rébellion dans ses limites géographiques » et que l’affaire a été réglée « sans effusion de sang ». C’eût été sans doute le cas si le général LonNol n’avait réprimé férocement (et probablement de sa propre initiative) la population, ce dont ne souffle mot l’article précité. Invités à rentrer dans leurs villages qu’ils avaient quittés pour la forêt où les Khmers rouges de Phnom Vay Chap les avaient accueillis, les paysans furent pris à partie et pourchassés par les militaires : « Tous ceux qui protestaient étaient taxés de communistes, les maisons furent incendiées ; les paysans répondirent en brûlant les casernes. Les rebelles faits prisonniers furent cantonnés chez les militaires de Treng, laissée au soleil, sans manger (…). La population brûla les ponts. Beaucoup d’habitants regagnèrent les marquis où ils s’installèrent jusqu’en 1975. »

Le chef de l’État montra très troublé par ces événements ; il ne souhaitait certainement pas faire tuer des paysans. Néanmoins, dans un discours prononcé à Kompong Thom et retransmis en direct à la radio, il approuva la pression (menée sans son accord) et la fustigea le jour suivant.

Les Khmers rouges n’avaient rien à voir dans l’insurrection paysanne, même si par la suite ils récupérèrent l’affaire à leur profit en faisant débuter leur action sur le terrain à cette révolte de Samlaut. C’est du moins ce que déclarera Pol Pot une fois au pouvoir. Toutefois, à Paris, l’UEK explique : « Les responsables de l’UEK nous ont dit que le groupe de Lon Nol était responsable des événements. Ils fondaient leur analyse sur des tracts distribués au Cambodge. Les gens de Samlaut accusaient le sous-gouvernement, un civil, et le gouverneur militaire. Le sous-gouvernement avait accepté d’envoyer la JSRK défricher non pas des terres vierges mais des friches fertiles appartenant à des paysans qui se sont soulevés (…). Des membres du gouvernement en place ont pu constater qu’il n’y avait pas de communistes. » « Les Khmers rouges n’étaient pas prêts à faire quoi que soit à Samlaut, dira un militant. Ils ont reconnu avoir été dépassés par le mouvement paysan et avoir apaisé les émeutiers. »

En Ratanakiri, un phénomène analogue fit dresser les ethnies montagnardes. Le gouvernement réquisitionna une partie de leurs friches pour agrandir la plantation d’hévéas de Labansiek créée en 1960. Cette région était particulièrement sensible car le Pathet lao et le Vietminh y évoluaient depuis plusieurs années et exploitèrent le mécontentement des montagnards pour les dresser contre le pouvoir central. Les incidents les plus graves surgirent en 1968 : munis de leurs arbalètes, les Brou, Tumpuon et Jarai affrontèrent ou tendirent des embuscades aux forces de l’ordre khmères. Là aussi les militaires se livrèrent à toutes sortes d’exactions. L’enjeu, dans cette région, était sans conteste bien supérieur à celui de Samlaut : là il s’agissait d’un problème purement interne, entre Khmers ; ici l’incident se doublait d’une propagande étrangère. Ces événements douloureux pour les montagnards du Nord-Est faciliteront l’activité des chefs khmers rouges au début des années 60.

En outre, ces minorités se sentaient plus proches de leurs homologues habitants de l’autre côté du tracé frontalier, en territoires vietnamien et laotien, que des Cambodgiens. Une partie d’entre elles, restées à l’écart du conflit bien qu’ayant été pareillement lésées, ne firent que subir les contrecoups des affrontements : des villages furent déplacés. On pouvait encore se rendre sur ces nouveaux sites début 1969.

En dehors de ces épisodes précis, les paysans avaient certes des revendications sociales à formuler mais dans l’ensemble ils restèrent passifs. Néanmoins les épisodes de Samlaut et de Ratanakiri révélaient, là un mécontentement et des poussées de violences spontanées possibles, ici un mouvement déjà bien pris en main par les voisins communistes ; on pouvait penser que d’autres noyaux structurés existaient ailleurs. En Kompong Cham et Battembang, des revendications salariales furent présentées en 1967. les Khmers rouges stationnaient dans ces deux régions. Un syndicat, dirigé par Nguon Eng, fonctionnait dans la clandestinité.

Dès que Phnom Penh constata la guérilla khmère rouge, la chasse aux têtes commença. « Les officiers supérieurs avaient reçu des fonds spéciaux de l’État-major. Le gouverneur et son officier de renseignements militaire recevaient beaucoup. »

Quant aux frontaliers qui voyaient leurs régions envahies par les soldats vietcongs, il semble que leur mécontentement n’allait pas toujours vers les communistes. Les exactions rapportées par la presse cambodgienne furent plutôt, aux dires des habitants, le fait des civils sud-vietnamiens proches, que des soldats du FNL. Un ancien fonctionnaire rapporte : « Dans mon village, sur la rive gauche du Mékong, en Kompong Cham, les habitants étaient pour les communistes vietnamiens car pendant la guerre ceux-ci leur donnaient beaucoup de choses (…). La population était sympathisante des Vietcongs car elle manquait de tout ; et la moindre chose accordée par eux, par exemple la possibilité de piller les casernes américaines et sud-vietnamiennes représentait une aubaine. » Les manifestations frontalières anti-FNL de mars 1970 avaient d’ailleurs été organisées par le régime de Phnom Penh. Cette entente entre les villageois khmers de l’Est du Mékong et les Vietcongs explique en partie la méfiance que les Khmers rouges nourrirent à l’égard de cette population, en majorité déportée et massacrée en 1978, au plus fort de la guerre le Kampuchea démocratique et la République socialiste du Vietnam.

Le mécontentement des citadins


La corruption grandissante, l’effondrement de l’économie, les interventions de plus en plus brutales et fréquentes de Sihanouk dans la conduite des affaires de l’État, le chômage des bacheliers constituaient des motifs suffisants pour faire bouger les citadins mais aucun mouvement ne se produisit. Pourtant, à partir de 1968, le mécontentement s’exprima ouvertement sur deux points qui ajoutèrent aux malheurs du peuple khmer : le ravitaillement des Vietcongs en riz cambodgien et l’ouverture d’un casino d’État.

Jusqu’en 1968, le Cambodge se contenta de servir de voie de passage pour les armes, munitions, aliments venant de Chine et destinés aux soldats du FNL. Très peu de responsables khmers connaissaient l’existence ou en tout cas le détail des transactions que leur pays avait conclues avec la Chine. Mais lorsque Phnom Penh livra du riz cambodgien aux communistes vietnamiens, il ne fut plus possible de nier la signature d’accords. Certains prirent en main ce transport de riz et munitions : de grosse fortune naquirent en peu de temps, la corruption s’épanouit. Pis : quelque 100 000 tonnes de riz, soit la moitié de l’exportation annuelle, prient le chemin de la frontière. Si cette vente alimentait la bourse de toute une chaîne de profiteurs du régime, elle signifiait aussi un déficit en devises important dans une économie déjà malade ; ce fut le coup de grâce. Le chef de l’État ne l’ignorait pas : « Ce commerce clandestin du riz n’était pas les résultats des activités non coordonnées des seuls commerçants chinois, mais au contraire une opération bien organisée à l’avance avec la participation des FARK Sihanouk était au courant de cette opération mais donnait personnellement son accord pour sa en application. » Il se faisait également avec la participation active du général Lon Nol et l’aval du gouverneur de la Banque nationale du Cambodge, Son Sann.

Les phnompenhois qui avaient de la famille aux frontières n’ignoraient pas l’avancée des communistes vietnamiens en territoire cambodgien. Des étrangers purent les voir circuler librement dans les plantations d’hévéas. Dès lors, on en parla librement dans la capitale, mettant le prince en cause. Ne contrôlant plus cette situation, celui-ci dénonça les sanctuaires vietcongs dans une conférence de presse tout en continuant de fermer les yeux sur le trafic de riz et ses conséquences sur l’économie du pays. Les esprits s’échauffaient, la vieille haine du yuon resurgit ; le terrain se préparait pour les atrocités que déclencha le général Lon Nol en 1970.

L’ouverture du casino de jeux en janvier 1969 se révéla tout aussi lourde de conséquences pour le chef de l’État. Créé officiellement pour aider à remplir les caisses vides du trésor, « ce qu’il rapporta au budget fut une goutte d’eau par rapport au déficit ; et puis bien de l’argent fut détourné par ces mêmes fonctionnaires ou dignitaires corrompus dont on voulait se débarrasser ». Les Khmers prêtèrent moins d’attention à l’échec économique et au profit retiré par quelques individus qu’aux suicides. Les Asiatiques ne résistent guère aux jeux de hasard, ceux-ci étaient d’ailleurs interdits au Cambodge. Les Khmers pouvaient seulement s’y adonner pendant les 3 jours de fêtes du Nouvel An, en avril. L’ouverture de tous de ce genre d’établissement d’ordinaire réservé aux seuls étrangers, eut des conséquences désastreuses. Ayant tout perdu, y compris ses bœufs, tel paysan n’osait plus retourner dans sa famille et préférait se donner la mort ; tel citadin ayant gagé sa femme n’avait pas le cœur de se présenter avant elle. Le pont Monivong fut le théâtre de nombreux suicides. Il suffisait à l’époque de discuter avec le cyclopousse qui vous transportait ou tout simplement d’écouter la communauté des domestiques khmers du Phsar Kap Ko (quartier de l’immeuble du Front du Bassac) où habitaient beaucoup d’enseignants et experts étrangers pour se tenir informé des événements. La presse n’eut pas le droit de rendre compte de ces suicides, peut-être pour essayer de les dissimuler aux étrangers, car tous les Khmers étaient au courant. L’inquiétude grandissait et « le petit peuple » du prince Sihanouk, ne comprenant pas le pourquoi de ce casino meurtrier, concluait : « Si Samdech n’arrête pas cela, il n’y aura bientôt plus habitants à Phnom Penh. »

Pendant ce temps, les Cambodgiens voyaient le leader transformé en réalisateur de films, noircissant des kilomètres de pellicules achetées sur le budget de l’État, alors que les jeunes citadins ne trouver pas à s’employer. Après-coup, des Khmers pensèrent que Norodom Sihanouk, ayant perdu le contrôle de la politique, trouvait dans le cinéma une diversion ou peut-être un moyen de se faire remarquer.

Parallèlement, le chef de l’État mena contre les opposants de gauche et de droite lors du congrès du Sangkum d’août 1969. dès lors, toutes les forces de droite étroitement coalisées ne laissèrent plus à Sihanouk la moindre initiative. Celui-ci essaya bien de provoquer l’éclatement du gouvernement Lon Nol, ce coup de force (son dernier atout) devait se produire pendant le congrès des 27-29 décembre 1969, il échoua.

Le dernier congrès du Sangkum


Le 28 e congrès du Sangkum marque la fin de la prépondérance politique de Sihanouk. Selon des participants, tout n’était pas perdu d’avance : « Il aurait suffi que le prince explique exactement la situation quant aux sanctuaires vietcongs et demande l’adhésion de la masse pour l’aider à résoudre ce problème ; il aurait eu car beaucoup voulaient encore croire en lui. » L’autorisation donnée aux Vietcongs sans accord ni même consultation du peuple, réduisait les marges de manœuvres du chef de l’État. Aussi imagina-t-il une épreuve de force : « Elle était celle de la dernière chance qu’il gâcha en laissant libre cours à son intempérance verbale qui lui fit annoncer ses intentions au préalable. » Aussi des adversaires avaient-ils pris les mêmes précautions que lui : s’entourer des partisans dévoués. L’affrontement aurait engendré la violence, ce que refusa le prince qui préféra ne pas agir.

Il faut d’ailleurs remarquer que le chef de l’État khmer a toujours essayé de résoudre pacifiquement les problèmes importants notamment lorsque des étrangers se trouvaient en cause : pour obtenir l’indépendance, faire partir les soldats vietminhs du territoire khmer, éviter la guerre avec les Vietcongs. Dans les deux premiers cas, il fit appel à la population. En 1965, celle-ci aurait probablement refusé aux Vietnamiens, ces ennemis héréditaires, et Sihanouk ne pouvait s’exposer à l’humiliation d’une rebuffade, ce pour quoi il décida seul et se retrouva seul dans l’épreuve finale. Quand il y eut des morts, ce fut dans le règlement d’affaires strictement internes et n’engageant pas la nation cambodgienne : élimination d’opposants de droite (Khmers Serei) et de gauche (Khmers rouges) dont le contrôle lui échappait totalement et qui ne faisaient aucune concession. Les 15 années de paix dont a bénéficié le Cambodge résultent certainement de ce désir d’éviter les effusions de sang. De cela, tous les Khmers ont profité.

Toutefois, le chef de l’État ne fit jamais le moindre sacrifice personnel. Il abandonna aucun de ses privilèges et comportements de prince féodal, refusant d’opérer les transformations sociales, civiques et politiques qui auraient donné au pays une consistance nationale et internationale.

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