8/Le Champa de 1000à 1074
Au Champa, le chapitre précédent nous a fait assister à un premier recul de la capitale devant la poussée viètnamienne venue du Nord. Le X le siècle va voir s'accentuer cette pression qui provoquera l'abandon par les Chams des provinces septentrionales. Jusqu'au milieu du siècle, l'épigraphie est muette, et l'historien ne dispose que des sources chinoises et vietnamiennes.
Le roi Yang Pu Ku Vijaya, qui était monté sur le trône dans les toutes dernières années du Xe siècle et avait évacué Indrapura -(Quang-nam) en l'an 1000 pour s'établir à Vijaya (Binh-dinh) envoya en 1004-1005 en Chine une ambassade qui annonça ce changement de capitale Il eut pour successeur, avant 1010, un roi dont le nom en caractères chinois paraît être une transcription de Harivarman (III), et qui régna une dizaine d'années Il.
En 1021, Parameçvaravarman 114, qui avait envoyé trois ans auparavant une ambassade en Chine, vit la frontière nord de ses Etats, dans l'actuel Quang-binh, attaquée par le fils aîné de Li Thai-tô (fondateur de la dynastie vietnamienne des Li), Phât-Ma, qui devait en 1028 succéder à son père sous le nom de Li Thai-tôn. Les Chams furent battus et subirent une nouvelle incursion en 1026.
Entre 1030 et 1031, le roi Vikrântavarman IV eut un règne obscur et troublé, et en 1042 son fils Jaya Simhavarman 115 demanda l'investiture à la cour de Chine. L'année suivante, il al la piller les côtes du Dai Viêt Le roi Li Thai-tôn prépara, en représailles, une expédition par voie de mer, dont il prit lui-même le commandement en 1044. A la première rencontre, probablement dans l'actuel Thüa-thiên, les Chams furent mis en déroute et leur roi décapité sur le champ de bataille. Li Thai-tôn poussa jusqu'à Vijaya dont il s'empara et d'où il ramena le harem royal'.
Le successeur de Jaya Simhavarman II fut un guerrier de famille noble qui prit à son avènement le nom de Jaya Parameçvaravarman Ier et avec qui les inscriptions recommencent dans le Sud. Les gens du Pânduranga, "vicieux, malfaisants, toujours en -révolte contre leur souverain", ayant refusé de le recoûnaitre, il chargea en 1050 son neveu, le Yuvarâja Çrî Deva'râja Mabasanâpati, d'aller les soumettre Pour célébrer sa victoire, le Yuvarâja fit ériger un linga sur la colline de Po Klaung Garai et dresser une colonne de victoire". De son côté, le roi procéda la même année à la restauration du sanctuaire de Po Nagar à Nha-trang et lui offrit des esclaves parmi lesquels figurent des Khmères des Chinois, des gens de Pukâm (Birmans de Pagan) et des Syam (Siamois ou T'ais) Il. Soucieux de rester en bons termes avec ses voisins du Nord, il envoya trois ambassades en Chine entre 1050 et 1056, et cinq au Dai Viêt de 1047 à 1060.
Tout ce qu'on sait de son éphémère successeur, Bhadravarman III, c'est qu'il régnait en 10610. A la fin(257) de la même année, son frère cadet Rudravarman III lui succéda. Il envoya une ambassade en Chine en 1062, et trois au Dai Viêt en 1063, 1065 et 1068. Mais dès le début de son règne, il s'était préparé à une campagne contre le Dai Viêt, et il déclencha son attaque à la fin de l'année'1068. Le roi Li Thanh-tôn, prompt à la riposte, conduisit sa flotte jusqu'à Çrî Banôy (Qui-nhôn), à proximité de la capitale chame. Il défit l'armée chame qui l'attendait dans l'intérieur. Rudravarman III ayant quitté la ville pendant la nuit, ses habitants se s oumirent à l'empereur qui y fit son entrée sans difficulté.
"Il envoie aussitôt des troupes poursuivre le roi en fuite qui est rejoint et fait prisonnier sur le territoire du Cambodge (1069, 4e mois). Le mois suivant, il offre un grand repas à tous ses ministres dans le palais du roi de Champa et, pour bien marquer qu'il l'a vaincu et réduit à néant, il exécute la danse du bouclier et joue au volant sur les degrés de la salle du trône. Il s'empresse en même temps, d'annoncer la nouvelle de sa victoire et de la capture du roi à Chen Tsong. Un recensement ayant fait ressortir un total de plus de 2.560 familles, il ordonne de mettre le feu à toutes les maisons bâties dans l'enceinte et les faubourgs de Vijaya"
Après avoir emmené prisonnier au Tonkin le roi Rudravarman III et sa famille, il lui rendit sa liberté en 1069 contre l'abandon de ses trois provinces -septentrionales, correspondant à peu près au Quang-binh et au Quangtri. On ne sait si, à son retour de captivité, le roi cham put rétablir son autorité sur un pays profondément troublé et amoindri. Ce qui est-certain, c'est que la dynastie qui régnait depuis 1044 s'éteignit avec lui vers 1074.(258)